BSD, libre et discret

Linux et BSD, lointains cousins ou frères ennemis ?

Sur la scène informatique, face à Windows, les médias ne connaissent que Linux. Dépourvu de presse et de littérature spécialisée, BSD évolue pourtant depuis plus de vingt ans sans le moindre faux pas, et se fait sa place dans le monde des serveurs, et rentre chez les utilisateurs par la petite porte.

La Berkeley Software Distribution est un nom générique pour un UNIX libre sorti des laboratoires de la fameuse université américaine. On oppose cette famille à l'autre grand groupe, celui des UNIX dits System V, basés sur l'UNIX original des laboratoires d'AT&T. Ces deux familles ont donné naissance à des rejetons libres ou propriétaires comme l'AIX d'IBM, l'IRIX de SGI ou encore le Mac OS X/Darwin d'Apple.

Il y a rivalités…

En vingt ans d'évolution, les systèmes BSD ont donné naissance à trois variantes libres et à des sous-versions très spécifiques et peu médiatisées. Comme les systèmes Linux, les BSD sont l'œuvre d'un nombre restreint de développeurs à forte personnalité. C'est une des raisons du premier grand schisme (ou "split"), dont sont issus FreeBSD et NetBSD au début des années 90. Fidèle à la première orientation, le premier privilégie une fiabilité sans faille au détriment de la portabilité. Pour sa part, NetBSD propose un système fiable sur un maximum de plate-formes (entre trente et quarante à l'heure actuelle). Un second schisme a provoqué la divergence de NetBSD et d'OpenBSD, dont la sécurité confine à la paranoïa. Le moindre aspect du système peut être crypté, y compris la zone de swap…
Les sociétés commerciales elles-mêmes puisent allègrement dans les systèmes BSD des parties sensibles de leur système. C'est notamment le cas de la pile IP des BSD, utilisée dans beaucoup de systèmes d'exploitation, y compris Windows. C'est le résultat logique d'une politique qui privilégie systématiquement la fiabilité, là où les Linux ont tendance à mettre en avant la performance, puis à rectifier le tir si c'est nécessaire.

… Et rivalité

Difficile d'éviter le duel philosophique entre BSD et Linux. Première différence véritable : Linux n'est pas un UNIX. En fait, Linux n'est pas non plus un système d'exploitation. C'est un noyau sur lequel viennent se greffer des éléments très divers, issus de kits de développement indépendants et intégrés par différentes entités. Chacune en fait ce qu'on appelle des distributions compatibles avec UNIX, qui reflètent les choix économiques, philosophiques et accessoirement techniques de leurs auteurs. Il en découle une valeur ajoutée propre à chacune de ces entités, parmi lesquelles on peut citer Red Hat, SuSE, Mandrake ou encore Debian.
Autre distinction : le mode de développement. Chaque distribution Linux se distingue principalement par ses outils d'installation et de configuration, mais aussi par l'efficacité de l'intégration des programmes de tierces parties retenus. Sur les systèmes BSD, le développement est beaucoup plus centralisé : ce sont les équipes de développement du noyau qui valident elles-mêmes les différents programmes périphériques.
Les BSD restent un cran plus libres que les systèmes Linux, et bénéficient de licences moins contraignantes. La contrepartie, c'est une image plus élitiste. Les BSD se veulent des outils de production très efficaces, au détriment de l'ergonomie qu'attend l'utilisateur final. Ce sont avant tout des systèmes serveur, qui évoluent efficacement et discrètement, loin des effets d'annonce de Linux. Contrairement à un mythe solidement ancré, les BSD ne souffrent d'aucun retard par rapport à leurs très médiatiques rivaux.

Pour le meilleur

Il ne faut retenir de cette rivalité que l'effet le plus profitable pour tous : une concurrence saine, génératrice d'une émulation très positive, et qui fait plus pour faire avancer l'industrie informatique que la plupart des sociétés commerciales du secteur. Malgré la grande rivalité qui sépare les partisans de Linux et de BSD, beaucoup de sociétés de services travaillent avec les deux environnements pour satisfaire leurs clients. Certains acteurs du marché comme Debian affichent même clairement leur volonté de rallier les deux rivaux, en conjuguant l'efficacité d'un BSD et l'ergonomie d'un Linux. Ironiquement, BSD a aussi été choisi comme base par deux références absolues en matière d'ergonomie, à savoir NEXTSTEP et Mac OS X, qui cumulent ainsi le meilleur des deux mondes.